Florence Raymond, attachée de
conservation au sein du Palais des Beaux-Arts de Lille notamment en
charge des nouveaux médias revient sur le lancement du guide de visite
jeunesse sur tablettes, dresse un bilan de son guide multimédia et parle
des nouveaux projets numériques.
Combien de temps a duré le développement ?
Notre rôle n’est pas de courir après la technologie : ce projet représente plus
de 15 mois de production, sans doute un délai assez long pour sortir
deux nouveaux modèles de tablettes sur le marché actuel ! Un
lieu culturel sera toujours en décalage avec les dernières nouveautés
qui parfois ne durent pas. Notre ambition est d’utiliser le meilleur des
nouvelles technologies en évitant le gadget éphémère. Dans un musée, la
difficulté peut également tenir au réseau disponible : il n’y a pas ou
peu de wifi dans les lieux muséaux, souvent monuments historiques, avec
parfois peu de réseau téléphonique ou de 3G dans certaines zones. C’est
une contrainte dont il faut apprendre à jouer. Nous avons donc fait le choix d’embarquer l’intégralité de l’application sur la tablette.
Pourquoi avoir choisi une tablette tactile ?
Cette tablette ne remplace pas
l’audioguide. Pour nos collections permanentes, le visioguide (iPod
Touch) est en service depuis mars 2012 pour les collections permanentes
comme pour les expositions temporaires. L’apport de la
tablette a été pensé comme un complément à cette première offre
numérique. Et tout particulièrement pour le jeune public, notamment les
enfants en situation de handicap. L’objectif était de choisir une
tablette avec un écran assez grand, pour que l’utilisation et l’expérience de visite soient collectives (2 à 3 enfants en moyenne par appareil).
Pourquoi avez-vous choisi un iPad et non pas une autre tablette ? N’est ce pas un matériel trop fragile pour des jeunes ?
C’est le contenu qui a décidé de la tablette, et non l’inverse.
L’association Signes de sens, avec laquelle nous avons travaillé,
produit son application pour iOS, donc pour Apple. Le choix du support
s’est donc imposé. Il se trouve également que le téléchargement de contenu culturel est très majoritaire sur App Store à l’heure actuelle.
Cela évoluera sans doute, mais c’est le cas aujourd’hui en
France. Quant à la gestion matérielle de l’Ipad, un filtre a été placé
sur l’écran ; il a été doté en outre d’une coque protectrice
avec une poignée permettant aux enfants de porter et de poser la
tablette facilement à travers les salles du musée.
Des musées ont déjà introduit l’Ipad comme outil de médiation. Quelle est la spécificité de votre service ?
C’est un outil qui a tendance à être de plus en plus présent dans les musées. Mais notre contenu, spécifiquement destiné à tous les enfants, porteurs ou non de handicaps, est une particularité rare. Dans le Nord – Pas-de-Calais, nous sommes les premiers.
L’application
est-elle dédiée aux jeunes en situation d’handicap ? aux jeunes en
général ou à la famille ? jeunes en groupes ou en familles ? Peut-on
s’adresser de la même manière à ces 3 publics ?
Nous avons cette grande utopie
de penser que le contenu peut être accessible à tous, surtout si
l’enfant est en situation de handicap (surdité, autisme etc.)
Tous les enfants (6-12 ans) peuvent ainsi accéder au contenu, par le
biais de la voix off, du sous-titrage pour ceux qui lisent déjà, de la
langue des signes pour ceux qui la comprennent, par l’intermédiaire des
jeux aussi, une nouvelle approche ludique beaucoup plus accessible que
sur d’autres supports. Le handicap, qui souvent exclut, réunit ici les
membres d’une classe ou d’une famille autour de la tablette.
L’application est elle un jeu sérieux ou un parcours plus traditionnel ?
L’application a été pensée dans une approche
de parcours, pour proposer un jeu de piste aux enfants. Concrètement,
sept oeuvres principales sont proposées. Elles se situent sur les trois
niveaux du musée, du rez-de-chaussée jusqu’au premier étage. Le parcours
va durer de 45 minutes à une heure, ce qui est le temps jugé pertinent
pour ce type de parcours. Les sept oeuvres proposées sont très
différentes, depuis un portrait de l’Antiquité jusqu’à une oeuvre
abstraite, en passant par un ancien objet du quotidien pour des
expériences et des approches variées. Des jeux éducatifs ponctuent
chaque commentaire d’œuvre, trois bonus et une frise chronologique sont
également proposés dans le parcours pour aider l’enfant à se situer par
rapport à ce qu’il a vu, tant du point de vue de l’échelle des éléments
que de leur temporalité.
L’application a-t-elle été conçue avec des jeunes ayant un handicap ? quel a été le rôle des laboratoires
universitaires DeVisu, GERIICO, et URECA avec lesquels vous avez
travaillé dans le cadre du programme régional «Chercheurs &
Citoyens» ?
Les évaluations des dispositifs
numériques introduits dans les musées manquent souvent cruellement,
alors que l’investissement humain et financier pour ce genre de projet
est généralement très important. Notre chance a été de pouvoir
bénéficier d’une expérimentation de 3 semaines avant la sortie de la
version 1. Près d’une centaine d’enfants ont participé à cette étude
qualitative et quantitative, travaillant notamment la notion de
bonheur au sein du musée et la compréhension d’un environnement
découvert grâce à un outil numérique. Des ajustements en matière
d’ergonomie (plans d’orientation notamment) ont pu être réalisés avant
le lancement officiel de la tablette. Cette expérimentation sera suivie au printemps 2014 d’une évaluation au sein du musée par les mêmes laboratoires et chercheurs.
La tablette est elle payante ?
La tablette est incluse dans le prix du billet d’entrée.
C’est un aspect auquel nous tenons, puisque déjà choisi pour nos
visioguides qui sont eux aussi inclus dans le billet d’entrée. Nous mettons donc à disposition 10 iPads.
Les visiteurs qui le souhaitent peuvent utiliser une tablette tactile
en délivrant une pièce d’identité en caution. Ils peuvent ensuite
utiliser la tablette pendant le temps qu’ils souhaitent dans le musée,
au gré de leur visite.
L’application est-elle téléchargeable ?
La version hors site de l’application « Muséo+ PBA Lille » est téléchargeable sur l’App Store depuis
le 21 février. Les trois premières œuvres sont gratuites, les quatre
suivantes payantes (achat à l’unité à 0.89 euros et par pack).
Quel a
été le budget de ce projet ? Comment avez-vous financé l’équipement et
le développement ? Comment allez-vous le rentabiliser ?
Le budget total du projet,
expérimentation comprise, est de 120 000 € que trois partenaires
financiers se sont partagés à part égale : la Caisse d’Epargne Nord
France Europe, notre mécène numérique, Vivendi, grâce à son programme « Create Joy » et Pictanovo.
Le musée a valorisé la mise à disposition de son personnel engagé dans
le suivi de la production sur 15 mois et a pris à sa charge
l’acquisition du matériel. Pour le musée, l’investissement financier est
donc minime, c’est pour cela aussi que nous avons fait le choix de
proposer des outils numériques gratuits au public. Ce type de montage
nous permet de nous affranchir d’une simple logique de rentabilité
financière, pour privilégier la rentabilité culturelle du projet.
Avez-vous d’autres développements envisagés pour la tablette dans votre musée ? dans d’autres musées ?
En ce qui concerne le Palais des Beaux-Arts, d’autres utilisations et projets sont certainement envisageables avec une tablette. Il
serait dommage de ne pas exploiter le bel outil. Nous utiliserons nos
iPads dans le futur pour d’autres contenus : catalogue d’exposition
numérique, applications questionnant la relation à l’objet etc. pour
tous les publics.
Cette application sur tablette pourrait-elle être dupliquée ou adaptée dans d’autres musées ?
Oui car l’application « Muséo+ PBA Lille » a été conçue pour être adaptable à d’autres musées ou sites culturels.
Une large étude de nos publics vient de débuter.
Réalisée en partenariat avec Sciences Po Lille pour une durée 4 mois,
les résultats pour le numérique sont attendus pour le second semestre
2014. Une évaluation de nos tablettes sera également menée au
printemps par trois laboratoires universitaires de recherche : DeVisu,
GERIICO, et URECA dans le cadre du programme régional « Chercheurs & Citoyens ».
En matière de taux de prise pour les visioguides, notre pourcentage est de 25% en moyenne annuelle.
L’application de l’exposition Babel a engendré plus de 2 000
téléchargements sur iTunes et Google Play, notre meilleure performance
parmi les 4 applications déjà lancées avec Audiovisit. Les
téléchargements sur iTunes ont représenté près de 70% de l’ensemble des
téléchargements.
Envisagez-vous des évolutions prochaines de cet outil ?
Toutes nos grandes expositions
bénéficient d’un visioguide multilingue et d’une application
téléchargeable déclinée pour iPhone et Android. Nous allons
poursuivre cette politique de production des contenus en la renouvelant,
notamment avec des parcours enfants pour les expositions temporaires.
Avez-vous d’autres projets numériques en cours ?
Oui et c’est un gros chantier. Nous avons prévu en 2014 la refonte de notre site internet et de l’identité visuelle du musée. Par ailleurs, nous réfléchissons à des idées ou projets en matière de numérisation 3D et d’éditions numériques… Les projets ne manquent pas.
Résultats du musée en 2013
Visiteurs réels : 230 000 visiteurs
Visiteurs sur le web : 324 250 visiteurs
Facebook depuis octobre 2012 : 6 870 fans
Twitter depuis octobre 2013 : 310 abonnés
Nb de locations de visioguides : 29 000 locations
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